Transformer le SI : une question de culture ?

Prospective : La DSI ne doit-elle pas changer de culture pour s’inscrire plus fort dans la transformation du SI ?

Le dernier billet sur l’évolution de Cloud arrivait à la conclusion qu’après avoir beaucoup acheté et piloté, la DSI revenait dans un cycle de réinvention de son SI sur cette nouvelle infrastructure et notamment pour les applications stratégiques au cœur de ses métiers. Mais comment fait-on revenir les « faiseurs » ou « makers » en anglais à la DSI ?

C’est-à-dire ceux qui vont mettre en place et piloter les moyens de construction, versus ceux qui savent acheter des projets ou des solutions clefs en main, ou piloter des contrats de sous-traitance.

La piste explorée par GreenSI, a un moment où les organisations post-covid se cherchent, alors qu’elles retournent au bureau et dans les salons professionnels IT en physique, estcelle du changement de culture. Cette transition est en effet profonde et sur la durée. Elle va impacter directement ou indirectement tout le monde à la DSI et l’évolution de la culture peut y contribuer.

Cette piste peut paraître étrange dans le temple de la technologie, qui parfois jure plus par les règles et les outils, que par l’humain. Car la culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs qui caractérise un groupe social. Elle traite donc  dans les programmes de transformation, plus de l’humain que de la technologie.

D’ailleurs, en triant des vieux dossiers sur le management des SI, j’ai retrouvé dans l’un d’eux publié par le Cigref en 2008 que « La culture SI est au cœur des relations entre la DSI et les Directions Métiers« , et que pour « parler le même langage » il fallait identifier les personnes « bilingues » DSI-Métier au sein de sa direction et que ces acteurs avaient un rôle essentiel dans l’adaptation et l’évolution du schéma directeur SI. En 2008 on a donc bien une approche technologique que l’on cherche à rendre compatible aux interfaces avec les métiers et les utilisateurs. Le DSI avait une culture technique et informatique pour prendre la tête de ces organisations, et s’ouvrait sur les métiers.

Au sein de cette « culture SI » initiale, un trait distinctif est donc celui d’un management vertical et militaire, certainement hérité de l’époque où la gestion des infrastructures était le seul métier de la DSI, avec une culture amenée par des ingénieurs et un déficit de femmes dans les effectifs. 

Treize ans plus tard, force est de constater que la tendance n’est plus de rayonner une culture SI dans les métiers, mais bien d’être partie prenante de la transformation digitale de l’entreprise, et d’adopter une culture compatible avec cette transformation. Le numérique ne concerne plus seulement la dématérialisation des procédures et les DSI non techniques ont démontré leur impact, parfois en tant que Chief Digital Officer. Enfin, le SI s’ouvre à des écosystèmes où la collaboration est plus horizontale que verticale.

Le numérique incarne maintenant une culture capable de co-construire avec les métiers, ou avec clients, car les plans à moyen terme ne sont plus une assurance de leur mise en œuvre. On retrouve la même problématique d’adaptabilité dans le service public, avec des politiques publiques de plus en plus challengées, et où chaque nouveau « Grenelle de XXX » accouche d’un rapport, rarement couché entièrement sur un plan mis en œuvre ensuite. Le développement de « start-up d’État » et celui « hors système » de l’application « ViteMaDose » qui a joué un rôle clef dans la vaccination, a fini de convaincre que le plan ne pouvait tour faire, même dans la Santé. Le retour des « makers » est aussi dicté par un monde plus complexe (nombre d’acteurs) et incertains.

D’ailleurs, en 2020, GreenSI appelait à réinventer le schéma directeur des SI, de moins en moins pertinents sur un horizon long, et le rendre plus dynamique. Les plateformes évolutives remplacent les projets avec un début et une fin connue d’avance. Mais ce n’est pas qu’une question de méthode, mais bien aussi une question de culture, qui concerne tous les métiers de la DSI, et même les clients de la DSI.

Trois cultures de cette transformation semblent pertinentes à déployer en fonction de chaque métier de la DSI.

  • La culture du service qui a été l’une des premières à se déployer, notamment avec une démarche comme ITIL qui a normalisé les activités des processus de support, mais aussi avec les démarches de « business partner », pour remplacer les relations client-fournisseur par un fonctionnement plus partenarial avec les métiers. Mais cette culture du service conserve encore l’esprit d’un cloisonnement.
  • La culture de l’agile s’est ensuite déployée, car comme le rappelle souvent dans GreenSI, l’agile n’est pas une méthode, mais bien un mode de fonctionnement incarné par les acteurs qui le pratiquent. On peut chercher à le déployer à l’échelle avec un framework global comme « SAFE« , mais on risque de vite se perdre si les équipes n’incarnent pas cette agilité dans leur comportement et leur façon de penser, et si elles cherchent à se raccrocher, voire se légitimer, avec un framework.
    Ces nouvelles pratiques sont plus orientées vers l’autonomie et la responsabilité des équipes, que dans celui de grands schémas.
  • Enfin, ce que GreenSI appellerait la culture de la responsabilité, concerne les aspects éthiques, réglementaires, sécurité ou environnementaux du numérique. Tous les acteurs du numérique de l’entreprise sont concernés et la technologie ne peut tout justifier. Des aspects qui ne seront pas seulement traités par une Charte du numérique, par le RGPD, par des procédures contre le risque Cyber ou en se fixant des enjeux avec le Green IT.
    C’est bien une culture de la responsabilité qui sera un trait distinctif de ce groupe social et fera émerger une entreprise responsable, dans ses moyens numériques, mais aussi socialement.

La culture de la donnée qui est souvent sous les feux des projecteurs, semble, pour GreenSI, être plus une culture des métiers que celle de la DSI. Elle vise dans les routines de ces métiers, à inscrire la collecte, la compilation et l’analyse de ces données, comme des automatismes du quotidien. À la DSI elle est bien sûr présente, mais elle va plus s’inscrire dans la culture de la responsabilité qui vont traiter ces données. C’est donc un choix que de vouloir mettre en avant la responsabilité plus que les données, qui sont là depuis l’origine de l’informatique dont le premier nom historique a été « data processing » (traitement des données).

La culture du service, de l’agile et de la responsabilité, sont donc au cœur d’une nouvelle culture SI adaptée aux enjeux actuels. Au-delà de la maîtrise technologique, de passer d’une position d’acheteur de solutions sur étagère, à concepteur-développeur sur une plateforme, va donc demander le renforcement de ces trois cultures, en fonction des métiers de la DSI.

Se transformer – changer de forme – commence forcément par soi et demande parfois de changer ses anciennes croyances. C’est ça le plus compliqué…

Mais pourquoi ne pas simplement conduire le changement ? Faire un séminaire de lancement, distribuer une brochure et former à la nouvelle approche. C’est bien sûr possible, mais pas toujours durable dans le temps. Or l’hypothèse faite ici, c’est que c’est une évolution en profondeur, et que les changements doivent être durables, pour animer les équipes au quotidien. C’est donc dans la théorie du management, plus une question d’inculquer une nouvelle culture.

Chaque culture doit se construire et doit être comprise et appréhendée pour faire pleinement partie du quotidien des équipes. Cette pratique au quotidien est celle qu’il faut mesurer pour apprécier la réussite du développement de la culture. Ensuite ce sont les résultats globaux comme la réduction des délais des projets ou l’augmentation de la qualité livrée, qui attestent de la réussite du fonctionnement de l’entreprise.

Culture rime, avec équipes internes, donc avec internalisation des équipes, éventuellement en régie, plutôt qu’avec des équipes externes dans le cadre de contrats au forfait. On constate aussi, que quand la culture a forgé les pratiques quotidiennes, ces pratiques sont beaucoup plus résilientes aux changements de personnes, suite à des mutations ou des fins de contrat. Le socle commun culturel aide la montée en compétences des nouveaux.

GreenSI rejoint donc ceux qui pensent que la transformation digitale est avant tout culturelle. Mais GreenSI pense également que la culture déployée à la DSI est un levier essentiel pour accélérer cette transformation, car le SI y est au cœur.

Faire évoluer la culture, implique tout l’écosystème de la DSI, ce qui pourra rencontrer de la résistance en fonction de la force de la culture en place. Comme avec toutes ces démarches de transformation, le partage des résultats régulièrement est donc essentiel pour redonner du souffle en permanence. Si on en a les moyens et les profils, l’accompagnement du déploiement de ces cultures est certainement un atout pour ancrer les pratiques sur le long terme et en mesurer les progrès.

Quand sur le plan RH les jeunes cherchent plus de sens dans leur vie professionnelle, l’existence d’une culture SI forte renforce l’attractivité de la DSI sur un marché du recrutement toujours tendu et où l’entreprise est en permanence à la recherche de ses talents de demain.

Source : ZDNet.com

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