Société : Une mesure provisoire poussée par le président brésilien Jair Bolsonaro impose des restrictions aux plateformes pour supprimer du contenu et des utilisateurs.
Si les appels à un encadrement plus strict des réseaux sociaux se multiplient, ce n’est pas au goût de tout le monde. Le président brésilien Jair Bolsonaro vient ainsi de signer une mesure provisoire visant à limiter la capacité des plateformes de réseau social à supprimer du contenu, des comptes, des profils et des utilisateurs.
Ces changements modifient la législation actuelle du pays autour de l’utilisation du web – le Marco Civil da Internet, connu sous le nom de Constitution Internet – en place depuis 2014. En pratique, les fournisseurs de réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, Instagram et YouTube devront suivre une série de procédures avant de supprimer des contenus ou des utilisateurs considérés comme violant leurs conditions d’utilisation. WhatsApp n’a pas été inclus dans la résolution, car il n’est pas considéré comme une plateforme de réseau social.
Avant de prendre des mesures pour exclure des utilisateurs, des comptes ou des contenus, les entreprises devront d’abord en informer l’utilisateur concerné, puis exposer les mesures disciplinaires à prendre et les raisons qui les motivent, ainsi que les procédures et voies de recours disponibles, et le droit de réintégrer les contenus et les comptes. De quoi rendre bien plus difficile la modération des contenus publiés sur les réseaux sociaux.
Une mesure (pas si) provisoire
Au terme de ces changements provisoires, les plateformes de réseau social ne pourront plus supprimer de contenu sans motiver leur choix. Ils pourront uniquement justifier leur choix de supprimer un contenu en invoquant l’exploitation de comptes créés pour simuler l’activité humaine dans la distribution de contenus (bots) ; les contenus en désaccord avec les lois de protection de l’enfance ; la nudité, les représentations explicites ou implicites d’actes sexuels ; la promotion ou l’incitation à des crimes contre la vie ; et la distribution de virus ou de logiciels malveillants.
Pour l’exécutif brésilien, il s’agit avant tout de garantir la liberté d’expression et d’introduire « plus de clarté concernant les politiques, procédures, mesures et instruments » pour interdire, suspendre et supprimer des contenus et des comptes. Les plateformes ont 30 jours pour adapter leurs conditions d’utilisation et leurs politiques. En cas de non-respect, les sanctions vont des notifications et pénalités correspondant à 10 % des revenus de l’entreprise au Brésil à la suspension temporaire de ses activités.
Rappelons qu’au Brésil, les mesures provisoires sont des instruments qui peuvent être utilisés par les présidents en cas d’urgence pour promulguer une législation effective pour une durée maximale de 60 jours. Elles peuvent être renouvelées une fois, et deviennent loi après avoir été approuvées par le Congrès national. En plus de demander que la mesure provisoire soit renvoyée au président, l’opposition indique qu’elle déposera une plainte devant la Cour suprême pour empêcher l’entrée en vigueur des changements.
De l’amour à la haine
Le président Bolsonaro s’est fait un nom grâce à un usage intensif des plateformes de réseaux sociaux telles que Twitter et WhatsApp lors de sa campagne pour les élections de 2018. Il a continué à utiliser ces plateformes pour dialoguer avec sa base de partisans et exprimer sa position souvent controversée sur des thèmes liés à la pandémie de Covid-19.
Alors que les plateformes ont pris des mesures pour supprimer les fausses informations, fournir des liens vers des sources fiables sur le contenu relatif à la pandémie et prendre d’autres mesures pour mieux informer les utilisateurs depuis l’apparition de la crise, le chef de l’Etat brésilien a vu nombre de ses posts supprimés ou cachés. YouTube et Instagram ont supprimé ses vidéos faisant la promotion de traitements dont l’inefficacité est avérée, comme la chloroquine, tandis que des tweets contenant des vidéos où il rassemblait des foules et critiquait la distanciation sociale ont également été retirés.
De quoi provoquer l’ire du président, qui ne cesse de critiquer les plateformes, en leur promettant de s’attaquer à ce qu’il considère comme une menace pour sa liberté d’expression. « L’urgence et la pertinence de la mesure découlent du fait que la suppression arbitraire et déraisonnable de comptes, profils et contenus par les fournisseurs de médias sociaux, en plus de nuire au débat public d’idées et à l’exercice de la citoyenneté, entraîne un cadre de violation des droits et garanties fondamentaux comme la liberté d’expression et l’exercice d’une défense contradictoire et large », fait savoir le bureau présidentiel dans un communiqué.
« La mesure vise à établir des lignes directrices pour que les fournisseurs de réseaux sociaux de grande envergure, qui comptent plus de 10 millions d’utilisateurs au Brésil, puissent modérer le contenu de leurs réseaux sociaux d’une manière qui n’implique pas une restriction indue des droits et garanties fondamentaux des citoyens brésiliens », relève l’exécutif brésilien, ajoutant que les changements garantissent que « les droits à la liberté d’expression et à la défense d’opinions contradictoires dans l’environnement des médias sociaux seront appliqués de manière plus concrète ».
Source : ZDNet.com