Autoguidage centimétrique open source en agriculture – le projet Centipède

Open Source : Tribune: présentation du projet Centipède, pour la géolocalisation au service de l’autoguidage pour les agriculteurs.

Les logiciels libres ont depuis longtemps des applications qui débordent largement la seule informatique, dont certaines dans l’agriculture. Exemple avec le projet Centipède (voir aussi dans Github), présenté ci-dessous dans une tribune de David Joulin, coprésident du cluster NAOS, cofondateur et président d’Ekylibre (et avant, polyculteur-éleveur charentais), et Julien Ancelin, fondateur du projet Centipède, administrateur SIG à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) (et avant, céréalier charentais).

Autoguidage centimétrique open source en agriculture

Par David Joulin et Julien Ancelin

Autoguidage centimétrique, quesako?

Aujourd’hui, tout le monde utilise des systèmes satellitaires, que ce soit pour se géolocaliser, pour calculer un temps de trajet ou pour se déplacer… et c’est devenu indispensable pour la majorité des gens. Cependant, qui peut dire qu’il n’a jamais été trompé par son système GPS lors d’un trajet?

Le principal défaut réside dans la trop faible précision du signal; pourtant, une solution existe: l’autoguidage centimétrique. Il a commencé à être commercialisé dans les années 90. Il permet de guider un engin au centimètre près grâce à la triangulation de sa position entre une base locale et une constellation de satellites (le plus connu des systèmes étant le GPS mis en place pour l’armée de l’oncle Sam et ouvert au public en 1983). Si l’engin s’écarte de plus d’un centimètre de son “guide”, le système actionne la direction pour le remettre sur la bonne trajectoire.

Exemple de communications RTK dans le cadre du projet Centipède

Dans le monde agricole, ce système a été rapidement utilisé pour des tâches nécessitant une précision élevée comme la plantation d’arbustes ou de vignes. Seul hic, ce système est très coûteux car il demande l’association de beaucoup de technologies matériels et logiciels pour fonctionner (un réseau de base RTK, un rover RTK, un système d’autoguidage et une console de pilotage composent a minima ce système) et autant de normes et règles pour les faire fonctionner entre eux!

Quand ce système est fermé, l’adaptation ou la personnalisation est donc relativement restreinte ou extrêmement coûteuse.

Réalité des usages dans le monde agricole

Acheter du matériel neuf pré-équipé ou faire monter ce système sur un tracteur existant coûte de 14.000 à 25.000 euros par tracteur  plus l’abonnement entre 400 et 800 euros par an. Résultat dans une étude menée en 2019 par la Chaire AgroTIC (Usage de la géolocalisation en agriculture – 24/04/2019), 40 agriculteurs sur 1.450 interrogés utilisent ce système (2,7%) dont 4 viticulteurs soit (0,27%). Dans le contexte actuel, on vous souhaite bon courage pour faire progresser ce taux d’adoption, donc, ça va prendre du temps!

C’est dommage car cette technologie est aussi extrêmement utile pour potentiellement tous les agriculteurs, tant en gain de productivité, qu’en termes de sécurité, de préservation de l’environnement ou de collecte de données. Mais pour cela, elle doit être plus accessible, plus adaptable à tous les besoins et plus interconnectable (interopérable) aux systèmes et engins existants.

Dans peu de temps, il y a fort à parier que les agriculteurs devront consigner automatiquement beaucoup de tâches journalières, et notamment tous leurs passages de pulvérisation pour satisfaire aux différentes obligations. Comment faire en sorte que ces systèmes répondent à tous ces critères tout en restant accessibles?

Le projet Centipède

“Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.” L’intégration des technologies dans les exploitations, la diversification des usages au service de la performance agricole… autant de sujets qui font toujours autant couler d’encre et pour cause, l’évolution à laquelle on assiste est inédite. Le principe de communauté défini par les valeurs d’entraide, de partage de matériel, d’information ou de savoir est inhérent à la définition de notre organisation agricole. Se servir de cette force communautaire pour mettre en place, et à disposition, un réseau mutualisé était inévitable.

Le réseau Centipède RTK a été créé afin de proposer en open source des méthodes ainsi que des plans pour fabriquer des bases GNSS en autonomie et à faible coût. L’ensemble des bases diffusent leurs données sur un portail web en open access afin de couvrir les besoins individuels en géolocalisation haute précision. CQFD: la force du commun au service du besoin unique. La mutualisation de ce réseau d’antennes permet aux agriculteurs de travailler dans leurs champs en limitant les risques de coupure de correction GNSS car l’ensemble des bases alentour sont disponibles pour la bonne continuité de l’activité en cours. A ce jour, les 191 bases du réseau couvrent quasiment tout le sol français avec des usages très diversifiés. 60% des contributeurs sont des agriculteurs qui montent des bases en DIY, principalement pour l’autoguidage, et travaillent sur la redondance des bases pour qu’en cas de coupure, il y ait des relais systématiques. Créer un maillage français, et international à terme, rien de tel pour améliorer l’autonomie des agriculteurs!

Situation et état des bases GNSS du réseau Centipède

Et en vrai, ça donne quoi?

Selon Pierre Haurigot (agriculteur produisant du maïs): “Les avantages du GPS RTK sont nombreux. J’ai une précision centimétrique pour tous les travaux de semis et de binage, une répétabilité de la position qui me permet de repasser dans les passages précédents du tracteur lors des épandages et des pulvérisations. L’autoguidage et la coupure de tronçon m’apportent aussi du confort, me permettant de me passer de traceur, de me concentrer sur le travail de l’outil plutôt que la conduite, de finir des chantiers de nuit. Grâce à l’open source, j’ai pu avoir accès à ces technologies et cela me permet de bénéficier de l’aide d’une communauté d’utilisateurs importante.”

Pour Maxime Emprou (conseiller en agronomie ayant installé le système sur l’exploitation familiale): “Au-delà du confort au quotidien, l’autoguidage RTK nous a permis de nous lancer sereinement dans le semis direct. Cela nous ouvre la porte à de nouvelles possibilités agronomiques à moindre coût. Grâce à la répétabilité du système, il est par exemple possible de faire du relay-cropping afin de maintenir une couverture de sol. L’open source et la communauté grandissante ont fait évoluer le système très rapidement. À l’avenir, on peut donc espérer l’ajout de multitudes de fonctionnalités, comme la modulation de dose pour adapter la nutrition aux besoins et améliorer encore l’efficience agronomique de l’exploitation.”

Et je peux l’avoir chez moi?

Ça vous intéresse? Vous avez de la chance, 4 ateliers sont organisés dans le cadre de la thématique agriculture lors du B-Boost à La Rochelle les 14 et 15 octobre 2021. Vous pourrez apprendre à monter une base RTK connectée au réseau Centipède, fabriquer un module d’arpentage ou un système d’autoguidage complet avec son rover, sa tablette et même son logiciel de gestion.

Tout grâce à l’open source bien sûr! Pour cela, vous n’avez juste qu’à vous inscrire (pass sanitaire nécessaire, entrée gratuite sur inscription limitée à 35 places par atelier).

Par David Joulin, coprésident du cluster NAOS, cofondateur et président d’Ekylibre (et avant, polyculteur-éleveur charentais), et Julien Ancelin, fondateur du projet Centipède, administrateur SIG à l’INRA (et avant, céréalier charentais)

Source : ZDNet.com

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