Sécurité : A l’occasion du Beauvau de la sécurité, Emmanuel Macron a présenté plusieurs projets de réformes visant à moderniser l’action de la police et de la gendarmerie face à la cybercriminalité. Une modernisation également évoquée à l’occasion du FIC.
Moderniser les forces de l’ordre pour faire face à l’émergence du numérique, c’est l’impulsion donnée par le président lors de son discours en conclusion du Beauvau de la sécurité, qui touchait à sa fin mardi. Pour le président, « le but est de penser la Police et la Gendarmerie de 2030 » et de l’adapter aux nouvelles menaces et délits auxquels les forces de l’ordre doivent faire face : la cybercriminalité, les escroqueries par moyen numérique, ou encore l’utilisation de messageries chiffrées pour la vente de produits illégaux.
Pour accompagner cette évolution, le président souhaite proposer une nouvelle loi de programmation pour la sécurité intérieure, qui devra être présentée en conseil des ministres en 2022, ainsi qu’un renfort en termes de budget à destination du ministère de l’Intérieur qui devrait voir l’enveloppe allouée rallongée de 500 millions d’euros, la portant à 1,5 milliard d’euros en 2022.
Le retour inespéré de Thésée
Parmi les mesures concrètes annoncées par le président, la mise en œuvre d’un outil de plainte en ligne est annoncée pour 2023. Ce dispositif est attendu de longue date : celui-ci avait été évoqué dès 2017 par le ministre de l’Intérieur Bruno Leroux, lors de son discours d’introduction au FIC. Les projets, baptisés Thésée pour le dispositif de plainte en ligne, et Perceval pour le dispositif de signalement des fraudes à la carte bancaire, ont néanmoins tardé à prendre forme. Le projet Perceval existe aujourd’hui, mais permet uniquement un signalement à l’attention des forces de l’ordre, et ne remplace pas un dépôt de plainte en commissariat. Un dispositif de pré-plainte en ligne a également été mis en œuvre, mais celui-ci demande également une confirmation sur site de la part du plaignant pour que la plainte soit enregistrée.
La plainte en ligne tarde à se concrétiser, malgré la publication du décret encadrant la possibilité d’une plainte en ligne sur le plan juridique au mois de juillet. On y apprenait que ce dispositif serait mis en place pour les atteintes aux biens et escroqueries, chantages et autres délits relatifs à l’introduction au sein d’un système de traitement automatisé de données.
La gendarmerie s’organise dans le cyberespace
En parallèle des annonces pour le futur, la gendarmerie présentait à l’occasion du FIC sa nouvelle organisation pour faire face à la cybercriminalité et mieux répondre aux délits impliquant une dimension numérique. Le directeur général de la gendarmerie, le général Christian Rodriguez, rappelait ainsi que ses services avaient constaté une augmentation de 22 % des faits liés à la cybercriminalité en 2020, qui représentent aujourd’hui plus de 100 000 enquêtes. « Une tendance qui se confirme sur 2021 », précise le directeur général, qui profite de l’occasion pour rappeler la création au mois de février du « Comcybergend, un commandement unique de la Gendarmerie dans le cyberespace » placé sous la direction du général de division Marc Boget.
Cette nouvelle organisation visera à fédérer et rationaliser les différentes initiatives développées par la Gendarmerie dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité. Comme nous l’expliquait le colonel Nicolas Duvinage, numéro trois de ce nouveau commandement dans le cyberespace, « les objectifs de cette nouvelle structure sont multiples et visent à fédérer les unités qui existaient déjà, et de permettre de faciliter le travail de ces différents éléments ensemble ». Le comcybergend regroupera l’ensemble des forces de la gendarmerie dédiées à la lutte contre la cybercriminalité, du C3N qui se charge du « haut du spectre » en matière d’enquêtes, au réseau cybergend qui rassemble 7 000 (10 000 à terme) agents présents sur tout le territoire et formés à l’investigation numérique.
Le comcybergend se chargera aussi de missions de sensibilisation et de formation des gendarmes aux questions cyber. Un enjeu de taille pour la gendarmerie : Christian Rodriguez a ainsi annoncé la semaine dernière que la formation initiale des agents, qui compte actuellement 8 % du temps total consacré au numérique, allait dorénavant consacrer 30 % du temps à ces questions. Un sujet qui sera également à l’ordre du jour de la nouvelle organisation des gendarmes, qui se chargera à la fois de la formation des nouvelles recrues et des militaires déjà en poste. « Nous avons une dimension ressource humaine très forte au cœur de nos missions », rappelle ainsi le colonel Nicolas Duvinage.
Un service à compétence nationale
Ce nouveau commandement cyber accueillera un nouveau service à compétence nationale qui rassemblera la Police et la Gendarmerie sur les sujets de lutte contre la cybercriminalité, également évoqué par le directeur général Christian Rodriguez lors de son discours. « C’est un service qui aura pour vocation de définir une stratégie commune cyber entre Police et Gendarmerie. Mais cela sera également un service opérationnel qui sera cosaisi sur les affaires cyber et qui permettra de faire appel aux compétences des deux forces », explique le colonel Duvinage. La création de ce nouveau service concorde avec la fin côté Police de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité, qui coordonnait les efforts de lutte contre la cybercriminalité de la Police. Comme le rapporte la Lettre A, cette réorganisation fait suite à un arbitrage du ministre, qui aurait choisi la gendarmerie comme « fer de lance » de lutte en matière de cybercriminalité, aux dépens de la Police.
Beaucoup de réorganisations et manœuvres en interne, mais qui servent un même objectif : parvenir à identifier et interpeller les cybercriminels qui profitent de leur capacité à opérer en dehors de leurs frontières pour échapper aux forces de l’ordre. Avec un passage obligé par la coopération internationale pour parvenir à démanteler des réseaux cybercriminels, mais aussi des réseaux criminels traditionnels qui ont su se saisir des nouveaux outils numériques.
Sur ce sujet, la Gendarmerie peut s’enorgueillir d’un succès récent avec le coup de filet de l’affaire Encrochat, une solution de téléphones chiffrés largement utilisée par des criminels et infiltrée par les gendarmes français. « L’objectif du comcybergend, c’est de multiplier ce genre d’affaires et les interpellations dans ce type de dossier. Je crois que l’affaire Encrochat a démontré que nous étions capables de coopérer avec un grand nombre de partenaires étrangers, une cinquantaine sur ce cas précis. C’est loin d’être terminé », résume le colonel Duvinage.
Source : ZDNet.com