Par un arrêt du 22 juin 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt qui détermine dans quelles conditions les exploitants de plateforme en ligne, tels que YouTube, peuvent voir leur responsabilité engagée du fait des contenus mis en ligne sans autorisation par les utilisateurs. Se fondant sur la directive de 2001 sur le droit d’auteur, la Cour estime que ces plateformes ne font pas en principe, elles-mêmes, une communication au public des contenus protégés par le droit d’auteur que leurs utilisateurs mettent illégalement en ligne. Toutefois, on peut, selon elle, considérer qu’elles ont contribué à donner au public accès à ces contenus dans certaines conditions. L’arrêt énonce les cas pour lesquels ces plateformes peuvent être jugées comme ayant procédé illégalement à la communication publique des contenus protégés. La Cour se prononce sur le fondement de la directive relative au commerce électronique et rappelle qu’un exploitant d’une telle plateforme peut être exclu du bénéfice de l’exonération de responsabilité si elle avait connaissance des activités illicites de ses utilisateurs.
La décision répond aux questions préjudicielles posées par la Cour fédérale de justice de l’Allemagne, dans le cadre de deux litiges qui ont été joints dans cette procédure. La première affaire concerne un producteur de musique qui avait poursuivi YouTube, et sa représentation légale Google, au sujet de la mise en ligne sur cette plateforme de plusieurs phonogrammes sur lesquels il détient des droits ; cette mise en ligne avait été effectuée par des utilisateurs YouTube sans son autorisation. La deuxième affaire concerne Elsevier au sujet de la mise en ligne sur la plateforme d’hébergement et de partage de fichiers Uploaded de différents ouvrages sur lesquels elle a des droits exclusifs.
La première question posée était de savoir si l’exploitant d’une plateforme de partage vidéo ou d’hébergement et de partage fichier sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, effectue lui-même une communication publique de ces contenus au sens de la directive 2001 sur le droit d’auteur. La Cour répond par la négative, « à moins qu’il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d’auteur. Tel est notamment le cas lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d’un contenu protégé sur sa plateforme et s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès promptement, ou lorsque ledit exploitant, alors même qu’il sait ou devrait savoir que, d’une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l’intermédiaire de sa plateforme par des utilisateurs de celle-ci, s’abstient de mettre en œuvre les mesures techniques appropriées qu’il est permis d’attendre d’un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d’auteur sur cette plateforme, ou encore lorsqu’il participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plateforme des outils destinés spécifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut sciemment de tels partages, ce dont est susceptible de témoigner la circonstance que l’exploitant a adopté un modèle économique incitant les utilisateurs de sa plateforme à procéder illégalement à la communication au public de contenus protégés sur celle-ci. »
Concernant l’exonération de responsabilité figurant dans la directive relative au commerce électronique, la Cour estime, sans surprise, que l’exploitant d’une telle plateforme relève du champ d’application de cette disposition, « pourvu que cet exploitant ne joue pas un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des contenus téléversés sur sa plateforme. ». Elle en conclut que pour être exclu du bénéfice de cette exonération, « un tel exploitant doit avoir connaissance des actes illicites concrets de ses utilisateurs afférents à des contenus protégés qui ont été téléversés sur sa plateforme. ».
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