Technologie : La pandémie et l’essor du télétravail ont brouillé les cartes du nomadisme et de la sédentarité. Le travail de demain sera hybride et c’est aux outils de communications unifiées de recréer du lien.
Tous les analystes s’accordent à le dire : la pandémie de Covid-19, et surtout les périodes de confinement obligatoires, ont poussé les entreprises à moderniser à marche forcée leurs pratiques de collaboration. Ce télétravail généralisé a boosté l’adoption des solutions de collaboration, et en particulier les solutions de videoconferencing Microsoft Teams et Zoom.
« Entre mars et avril 2020, c’est-à-dire lors du premier confinement, nous sommes passés de 10 millions d’utilisateurs quotidiens à plus de 300 millions. Ce fut une période de croissance exponentielle », explique Charlotte Nizieux, porte-parole de Zoom en France. « C’est un nombre d’utilisateurs qui continue d’augmenter, certes de manière moins exponentielle, mais la courbe reste ascendante. » Depuis cette phase d’hypercroissance, le nombre d’utilisateurs de Zoom augmente de manière moins soutenue, mais le service compte maintenant plus de 504 900 entreprises de plus de 10 employés parmi ses clients, soit + 36 % par rapport au même trimestre un an plus tôt.
L’âge d’or de l’UCaaS
Néanmoins, les conférences en visio ne sont que la partie émergée de la transformation que connaissent les communications d’entreprise. En effet, les bons vieux IPBX et antiques PABX ont clairement montré leurs limites lors du confinement. Non seulement les collaborateurs devaient pouvoir continuer à s’appeler en interne depuis leur domicile, mais les entreprises devaient aussi présenter à leurs clients un accueil téléphonique avec la capacité de transférer les appels, de laisser des messages, etc.
Se tourner vers le cloud et les solutions d’UCaaS (Unified Communications as a Service) est devenu une évidence pour bon nombre de chefs d’entreprise et de DSI. Erwan Salmon, Directeur Général France de RingCentral, un des leaders du marché UCaaS souligne : « nous avons fait face à une forte demande de clients qui voulaient passer d’une approche on-premise à une solution dans le cloud public, afin de gagner un maximum de flexibilité. Beaucoup d’entreprises qui avaient des solutions on-premise, avec un PABX et des outils collaboratifs dans leur datacenter, se sont retrouvées bloquées. Elles n’avaient pas l’infrastructure WAN et les firewalls pour ouvrir leur informatique à l’extérieur. Dans ces conditions, le cloud est clairement apparu comme la solution d’avenir pour gagner en flexibilité ».
Avec Front row, pour Teams Rooms, Microsoft mise sur un futur du travail hybride, avec des salariés en présentiel en salle de réunion et d’autres à leur domicile.
Même constat pour Vincent Rebullida, consultant Communications Unifiées & Collaboration Cisco, et PDG de Collaboration Services : « la Covid a fait énormément de mal, mais elle a aussi fait énormément bouger les choses. La France avait un retard astronomique sur les outils de collaboration et cette crise nous a fait rattraper 5 ans de retard ». Le consultant souligne que beaucoup de petites entreprises n’avaient aucune démarche liée au travail à distance, pas de VPN, ni PC portable, ni outil collaboratif.
« Les usages du cloud ont explosé et, en tant qu’intégrateurs Cisco WebEx, lors du premier confinement toutes les entreprises se sont retrouvées devant la nécessité de mettre en place des outils de collaboration dans l’urgence et le cloud était parfaitement adapté à cela. » Néanmoins, l’expert souligne que beaucoup de patrons de PME veulent rester maîtres de leurs solutions, et que les solutions IPBX on-premise ne disparaîtront pas totalement, notamment chez des industriels, les entrepôts où l’analogique et les postes DECT sont encore très utilisés.
De facto, tous les opérateurs de services UCaaS ont connu un énorme appel d’air, comme l’a récemment souligné le cabinet IDC. Ses analystes ont estimé à près de 30 % la croissance annuelle de ce marché en 2020, pour atteindre 47,2 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
Le futur du travail sera hybride
Les outils collaboratifs de videoconferencing tirent le marché des communications (+ 48 % sur l’année 2020), suivis par les plateformes UCaaS, alors que la voix sur IP classique est délaissée, avec des livraisons de téléphones IP en baisse de 22,2 % sur l’année. Même les salles de videoconferencing, que l’on aurait pu croire délaissées pour cause de télétravail forcé, ont connu une croissance de l’ordre de 12,4 %. Ces chiffres livrent sans doute un indice de ce que sera le travail de demain, car il n’y aura pas nécessairement une scission entre des collaborateurs en télétravail 100 % du temps et les autres qui resteront en poste.
Utilisation des solutions de visioconférence par les grandes entreprises. Boston Consulting Group.
Utilisation des solutions de visioconférence par les PME. L’étude du Boston Consulting Group de 2020 montre clairement une brusque hausse des usages de la visio lors de la crise de la Covid, mais aussi un niveau qui va rester plus élevé après la crise, tant dans les grandes entreprises que chez les PME.
Les frontières du travail seront beaucoup plus floues à l’avenir, comme le montre une étude menée en 2020 par le BCG (Boston Consulting Group) mandaté par Zoom. Celle-ci souligne que pour 82 % des entreprises interrogées, les plateformes de communications unifiées vont rester dans la durée et vont s’inscrire dans le paysage des outils utilisés quotidiennement au travail, tant à distance qu’au bureau.
Les collaborateurs vont pouvoir moduler leurs jours de travail en présentiel et à domicile, en fonction des besoins du moment. C’est ce que l’on appelle désormais le travail hybride. C’est en tout cas la conviction de Microsoft. En juin 2021, l’éditeur a dévoilé plusieurs améliorations à ses produits collaboratifs pour faciliter les meetings hybrides entre des collaborateurs en salle de réunion et en télétravail avec la solution « front row for Teams Rooms », Surface Hub qui a bénéficié d’une mise à jour, ainsi que Microsoft Whiteboard. Le géant de Redmond a aussi annoncé le support des caméras intelligentes par Teams et même l’arrivée d’un « coach » de conférence dans Teams, une IA dont le rôle sera de fluidifier les échanges. Cette fonctionnalité est attendue pour 2022.
Cette vision d’un futur hybride du travail est pleinement partagée par Zoom : « l’avenir du travail, c’est l’hybridation », assène Charlotte Nizieux. « Les collaborateurs vont travailler soit en présentiel, soit à distance, mais ce ne seront pas toujours les mêmes qui seront à distance ou dans les murs de l’entreprise. » La généralisation des usages sur Zoom et Microsoft Teams a clairement bousculé les usages en téléphonie unifiée. Microsoft caracole désormais en tête du Magic quadrant Gartner sur les plateformes UCaaS, aux côtés de RingCentral mais aussi de Zoom, qui est entré dans le carré des leaders dans l’édition 2020. Les collaborateurs connaissent Zoom Meeting, Zoom Webinar, mais l’américain a lancé Zoom Events cet été et l’américain se positionne clairement en concurrent des plateformes de communications unifiées des opérateurs. Zoom a annoncé lors de ses résultats financiers du deuxième trimestre avoir atteint les 2 millions d’utilisateurs de son Zoom Phone, soit 500 000 utilisateurs de plus en un trimestre.
Les opérateurs misent sur leur complémentarité avec les plateformes IT
Face à ces offres télécoms venues du monde IT, les opérateurs doivent défendre leurs positions alors que Microsoft 365, Google Workspace et Zoom sont bien implantés dans les entreprises. Ceux-ci doivent jouer la complémentarité et mise sur leur maîtrise du réseau pour démontrer leur rôle dans une infrastructure de communications unifiées : « beaucoup d’entreprises ont démarré avec Teams car elles y avaient accès dans le cadre de leurs contrats Office 365 », pointe Erwan Salmon. « Néanmoins, Teams présente un certain nombre de limitations sur le volet téléphonie, et nous gagnons des contrats auprès d’entreprises qui vont continuer à utiliser Teams, mais aussi s’appuyer sur RingCentral pour la téléphonie. Nous venons nous substituer de la manière la plus transparente pour les utilisateurs, afin d’apporter des fonctions de téléphonie traditionnelle comme le filtrage, support des postes DECT, intégration avec les mobiles, etc. »
Outre ces fonctions complémentaires, l’opérateur souligne un taux de disponibilité de 99,999 %, supérieur à celui délivré par Microsoft, mais aussi le besoin de conserver une certaine liberté de choix face à Microsoft afin de ne pas être totalement liées au géant américain. « Microsoft a annoncé une forte augmentation des tarifs de Microsoft 365 en 2022 », argumente Erwan Salmon. « Les entreprises qui ont 100 % de leur infrastructure sur Microsoft sont captives et pieds et poings liés face à ce type d’augmentation. C’est la raison pour laquelle il est important de conserver une certaine flexibilité et de mettre en compétition Microsoft en choisissant des fournisseurs qui eux ne peuvent se permettre d’imposer de telles hausses de prix ! »
La crise sanitaire a clairement fait bouger les lignes dans les télécoms, signant sans doute la fin du PABX on-premise annoncée, en avance de phase avant la fin du réseau RTC planifiée pour fin 2023. Qui va l’emporter entre les opérateurs traditionnels, les nouveaux entrants et les acteurs venus du monde IT ? Les nouveaux usages feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
Source : ZDNet.com